Côte d’Ivoire : La voie est libre pour un 4e mandat de Ouattara ?

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À dix-huit mois de la présidentielle ivoirienne, Alassane Dramane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, n’a pas encore fait part de son intention d’être à nouveau candidat. Mais dans son entourage, l’éventualité de sa candidature voire de sa victoire en 2025 est ouvertement évoquée. Avec tous les arguments possibles y compris de droit.

« La victoire des Éléphants est avant tout une victoire politique pour Alassane Ouattara », assure le politologue ivoirien Geoffroy-Julien Kouao. Même dans l’opposition, il ne s’est trouvé personne pour soulever des éléments controversables sur l’organisation de la 34e édition de la coupe d’Afrique des nations (CAN) dans le pays. Au contraire, la plupart des membres de l’opposition ont salué de manière unanime – fait rare – l’organisation de l’évènement sportif par le chef de l’État. Même l’exilé Guillaume Soro, l’ancien allié devenu paria pour avoir tenté de déstabiliser le pouvoir, y va de son commentaire sur les réseaux sociaux. Alassane Ouattara, dont le nom a été repris en chœur dans les stades pendant la compétition, a semble-t-il gagné son pari : fédérer l’ensemble de la classe politique autour de son projet et de sa personne et donner l’image d’un pays uni.

Quelques jours plus tard, porté par ce moment d’union nationale, le président annoncera la grâce accordée à plusieurs proches de l’ex-Premier ministre ainsi qu’à des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo, emprisonnés dans le cadre d’affaires liées à la crise postélectorale de 2010-2011, « conformément à son engagement d’œuvrer résolument à la consolidation de la paix dans [le] pays ».

Pas d’obstacle juridique

Geoffroy-Julien Kouao ne cache pas les attentes des partisans d’Alassane Dramane Ouattara. Selon ces derniers, estime le politologue, « la bonne organisation de la CAN et la victoire des Éléphants valent un quatrième mandat pour le président ».

Au-delà de l’effet CAN, la plupart des partisans d’ADO estiment qu’il est, à l’heure actuelle, le seul à pouvoir incarner son camp et remporter une nouvelle victoire en 2025. « Il a démontré qu’il est un grand homme d’État, qui a l’art de gouverner », estime un membre de son premier cercle qui considère qu’il « a réussi à redonner de la fierté aux Ivoiriens ». Longtemps sensible, presque taboue, la question d’un quatrième mandat ne l’est plus. D’ailleurs, sur le plan juridique, la question ne se pose pas compte tenu de la décision du conseil constitutionnel du 14 septembre 2020.

En se prononçant sur la troisième candidature de Ouattara à l’élection du Président de la République du 31 octobre 2020, le conseil avait déclaré que la nouvelle constitution de 2016 avait établi « un nouveau pacte social, un nouvel ordre juridique, politique et institutionnel avec effet « erga omnes » permettant à chacun, en ce qui le concerne, de tirer les conséquences d’un nouveau départ ». Il ajoute : « en ne mentionnant pas « expressis verbis », s’agissant du décompte des mandats présidentiels, que ceux exécutés sous l’empire de la précédente Constitution doivent être pris en compte pour l’application de l’article 55, il ne peut être sérieusement fait grief au Président de la République sortant, se fondant sur ce nouveau départ de la vie politique et institutionnelle, de prétendre briguer un nouveau mandat ».

Sur la base de cette décision de la haute juridiction en matière constitutionnelle, Ouattara avait été autorisé à briguer un troisième mandat qui, dans le cadre de la constitution de 2016, était en fait son premier mandat. Dans le même sens, en 2025, Ouattara ne serait pas candidat non pas un quatrième mandat mais plutôt à un deuxième mandat.

Quelle chance pour l’opposition ?

Avec la mort d’Henri Konan Bédié, beaucoup pensaient que Ouattara se retrouve débarrassé d’un adversaire de poids, l’arrivée de Tidjane Thiam à la tête du PDCI-RDA [Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain] est une véritable opportunité pour l’opposition d’accéder au pouvoir en 2025, selon l’analyse de Geoffroy-Julien Kouao. L’ex-banquier Tidjane Thiam, 61 ans, s’est fait élire à la tête de l’ancien parti unique par quasi-plébiscite (96,48 % des suffrages), le 22 décembre dernier, à l’issue d’un congrès extraordinaire au cours duquel il a été décidé qu’il serait le candidat du PDCI à la prochaine élection présidentielle. Officiellement, cette candidature n’inquiète pas le RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix). « Il ne maîtrise pas la Côte d’Ivoire, il ne connaît pas l’appareil du PDCI… Ce n’est pas une préoccupation », estime un cadre éminent de la majoritéprésidentielle.

Pourtant, l’arrivée du très ambitieux monsieur Thiam dans le bain politique ivoirien pourrait gêner la majorité en 2025. De vingt-huit ans plus jeune que l’ancien président Henri Konan Bédié, décédé le 1er août 2023, l’ex-ministre du Plan (1998-1999), réputé coriace, ne cache pas son ambition : reconquérir le pouvoir, qui échappe au PDCI depuis le coup d’État de 1999, grâce à la restructuration et à la modernisation du parti.

Et il compte aussi occuper le terrain médiatique. Il a ainsi été l’un des premiers représentants de l’opposition à se rendre dans le quartier de Gesco, à Yopougon, le 23 février, pour apporter son soutien aux milliers d’habitants déguerpis de leur logement de fortune, regrettant l’absence de « dispositions adéquates pour le relogement des populations touchées » – depuis les autorités ont annoncé des indemnisations pour les habitants touchés. Le même jour, Pascal Affi N’Guessan, patron du Front populaire ivoirien (FPI), et, trois jours plus tard, Laurent Gbagbo, président-fondateur du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), sont également venus rencontrer les habitants sur les champs de ruines de « Yop ».

Malgré son inéligibilité en raison de sa condamnation dans l’affaire « du casse de la BCEAO », en 2018, l’ex-chef de l’État a annoncé début mars qu’il briguerait la magistrature suprême. Des perspectives qui renforcent les caciques du parti au pouvoir dans l’idée que seul le président Ouattara est capable d’éviter la défaite électorale au RHDP.

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