Terrorisme au Nord du Bénin : Banikoara sous tension, une crise sécuritaire imminente

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La situation sécuritaire à Banikoara, une commune du nord du Bénin, se dégrade à un rythme alarmant. Selon le rapport « Terrorisme au Nord du Bénin : Éviter une crise sécuritaire à Banikoara », publié en mars 2025 par le Timbuktu Institute, l’infiltration des groupes terroristes dans cette région est devenue une réalité préoccupante. Entre insécurité croissante, complicités forcées et méfiance généralisée, le quotidien des habitants s’en trouve profondément bouleversé.

Une infiltration progressive et inquiétante

Le rapport met en lumière une évolution inquiétante du phénomène terroriste à Banikoara. De nombreux témoignages recueillis par les chercheurs du Timbuktu Institute attestent que les groupes armés ne se contentent plus de raids sporadiques. Ils investissent désormais le tissu social, se rapprochant insidieusement des populations.

Un habitant de la commune confie :

« Les terroristes viennent ici et n’ont pas peur de communiquer avec nous, en recherchant notre coopération. À ce stade, nous avons deux choix : soit fuir le village, soit collaborer pour assurer notre survie et celle de nos enfants. »

Dans certains cas, les terroristes bénéficieraient même d’un hébergement au sein des villages la veille de leurs attaques. Ainsi, la nuit précédant l’attaque du 8 janvier 2025, qui fut l’une des plus meurtrières dans la région, plus de 100 assaillants auraient été hébergés par un habitant de Banikoara, selon un témoin anonyme cité dans le rapport.

Méfiance et fractures au sein de la communauté

Le climat de suspicion pèse lourdement sur les relations entre les habitants. Le simple fait de signaler un comportement suspect aux autorités peut se retourner contre le dénonciateur. Comme l’exprime un citoyen frustré :

« Il suffit d’un rapport sur quelqu’un, c’est terminé. Soit les soldats l’exécutent, soit il est envoyé à la CRIET sans autre forme de procès. »

Dans ce contexte tendu, la méfiance est omniprésente. Un ancien sage de la localité résume la situation en ces termes :

« Aujourd’hui à Banikoara, plus personne n’a confiance. Nous ne savons pas qui est qui. »

Un contexte socio-économique favorisant l’implantation terroriste

Le rapport met en avant plusieurs facteurs aggravants, parmi lesquels la fragilisation de la filière coton. Banikoara étant la première zone cotonnière du Bénin, les difficultés économiques de la campagne 2024-2025 alimentent le ressentiment des populations. Les producteurs, confrontés à la flambée des prix des intrants et à des remboursements élevés, voient leur précarité s’accentuer.

Simultanément, le trafic de carburant avec les groupes terroristes devient une source de revenus incontournable pour de nombreux jeunes. Selon les informations recueillies en mars, ces derniers réalisent des marges allant jusqu’à 150 % sur chaque bidon de 25 litres en période de pénurie. Cette manne financière rend difficile toute tentative de dissuasion, comme le confesse un chef de village :

« Il est universellement reconnu que personne ne peut résister aux gains faciles. Ces jeunes n’abandonneront jamais cette entreprise de vente de carburant avec les terroristes. »

Des forces de sécurité dépassées

Malgré des efforts sécuritaires de l’État béninois, les moyens déployés restent insuffisants. Selon un habitant interrogé dans le rapport :

« Notre commune est vaste et nous partageons une frontière avec le Parc W. Il est donc essentiel que le Bénin entoure la commune d’un mur militaire. »

De plus, les terroristes semblent toujours en avance sur les patrouilles militaires, ce qui soulève des interrogations sur l’efficacité du renseignement. Un villageois témoigne :

« Nous les voyons circuler la nuit, à des heures non tardives, comme s’ils savaient précisément où et quand les forces de défense ne sont pas présentes. »

L’approche sécuritaire actuelle, jugée trop répressive, suscite également des tensions croissantes entre les populations et les forces de l’ordre. Le rapport du Timbuktu Institute met en garde contre un risque accru de radicalisation, alimenté par les arrestations arbitraires et l’absence de perspectives économiques.

Que faire pour éviter le pire ?

Face à cette situation préoccupante, le rapport recommande une approche plus équilibrée, mêlant actions sécuritaires et développement socio-économique. Il insiste notamment sur :

  • Un renforcement du renseignement communautaire basé sur la confiance entre civils et forces de défense, afin d’éviter les dénonciations biaisées.
  • Des projets de développement local pour offrir des alternatives aux jeunes impliqués dans les trafics.
  • Une meilleure gestion des tensions intercommunautaires, notamment entre agriculteurs et éleveurs, afin d’éviter que ces conflits ne soient instrumentalisés par les groupes armés.

En somme, Banikoara est à un tournant décisif. Si des mesures fortes ne sont pas prises rapidement, la commune risque de basculer durablement dans l’insécurité et de devenir un bastion pour les groupes terroristes qui déstabilisent déjà le Sahel. L’urgence d’une stratégie cohérente et concertée est plus que jamais une nécessité pour protéger la région et éviter une crise sécuritaire majeure.

Sources

  • Timbuktu InstituteTerrorisme au Nord du Bénin : Éviter une crise sécuritaire à Banikoara, Hors-Série, Mars 2025.

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