Robert Bourgi est l’une des figures les plus emblématiques et controversées de la Françafrique, ce système de relations opaques entre la France et ses anciennes colonies africaines. Dans son dernier livre entretien avec Frédéric Lejeal, « Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique« , Bourgi se dévoile comme jamais, exposant des décennies de secrets et de manigances diplomatiques. Cet ouvrage, véritable bombe, n’a fait que confirmer ce que beaucoup savaient déjà : Bourgi est un homme au cœur de tous les réseaux, détenteur de secrets inavouables, mais aussi incapable de garder le silence. Ceux qui le connaissent bien, qu’ils soient anciens présidents africains ou membres influents de la classe politique française, s’accordent à dire que Bourgi est un homme de l’ombre qui, paradoxalement, aime trop la lumière.
Un homme au cœur de la Françafrique. Pour comprendre Robert Bourgi, il faut remonter aux années 1960, à l’époque où son père, Mahmoud Bourgi, était un conseiller influent auprès de plusieurs dirigeants africains. Très jeune, Robert a côtoyé les plus grands noms de l’indépendance africaine, héritant des réseaux tissés par son père. Mais c’est lui, Robert, qui a perfectionné cet art subtil de l’influence, devenant un des rouages essentiels de la machine Françafricaine. Ses relations avec des présidents comme Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou-Nguesso (Congo), et Blaise Compaoré (Burkina Faso) en ont fait une pièce maîtresse des négociations et des échanges, souvent secrets, entre Paris et ses partenaires africains.
Cependant, un ancien membre des services secrets français qui souhaite rester anonyme explique que « Robert a toujours eu ce besoin presque irrépressible de parler. Il sait tout, c’est vrai, mais c’est comme s’il ne pouvait pas s’en empêcher. Chaque fois qu’il était impliqué dans une affaire sensible, il finissait toujours par en parler à quelqu’un, souvent pour briller dans les dîners ou dans des cercles fermés. »
Confidences et trahisons : quand l’homme de l’ombre se dévoile. De nombreuses personnalités politiques françaises et africaines déplorent aujourd’hui les bavardages de Bourgi. « Il a le don de se rendre indispensable, mais à quel prix ? », confie un ancien ministre français sous couvert d’anonymat. « Robert, c’est le genre de personne qu’on consulte pour obtenir un coup de pouce, un contact, une porte ouverte. Mais dès qu’il parle, il en fait trop. Il dévoile des détails que personne ne lui a demandés, et ça a fini par lui coûter cher en termes de crédibilité. » déplore notre source
Un autre responsable politique africain, qui a collaboré étroitement avec Bourgi durant les années 1990, se souvient de la discrétion légendaire de l’homme, mais aussi de sa transformation progressive : « Au début, il était comme nous tous. Il savait garder un secret. Mais plus il avançait dans ses relations avec Paris, plus il semblait vouloir se faire une place au soleil. C’est alors qu’il a commencé à parler, souvent à tort et à travers, et il a perdu la confiance de beaucoup de gens. »
Les confidences de Bourgi, comme celle sur les valises d’argent transportées pour financer des campagnes électorales françaises, ont choqué même ceux qui le connaissaient bien. « C’était un secret de Polichinelle, bien sûr, mais personne n’aurait osé en parler publiquement comme il l’a fait, »témoigne un proche de l’ancien président gabonais Omar Bongo. « Bourgi a jeté une lumière crue sur des pratiques qui faisaient partie du jeu, mais il ne s’est pas rendu compte du mal qu’il faisait. C’était de la pure vanité. »
L’incapacité à se taire : une malédiction pour Bourgi. Ce besoin de dévoiler des secrets, que certains qualifient d’irrépressible chez Bourgi, est devenu un véritable problème pour lui et ceux qui l’entouraient. « Il aime tellement se montrer important, qu’il finit par dire des choses qu’il ne devrait pas. C’est comme s’il ne pouvait pas s’empêcher de faire le fanfaron, » explique un ancien conseiller à l’Élysée. « Les présidents africains lui faisaient confiance, mais quand il a commencé à révéler des affaires aussi sensibles que le financement de la politique française par des fonds africains, ça a été la goutte d’eau de trop. »
Un diplomate africain qui a travaillé avec Bourgi confirme cette analyse. « On a dû couper les ponts avec lui à un moment. Il savait tout sur tout le monde, et c’était effrayant. Mais le problème, c’est qu’il racontait tout à la première occasion. On ne pouvait plus se permettre de lui confier des informations sensibles. Il a brûlé toutes ses cartes en parlant trop. Certains présidents africains ne lui adressaient plus la parole après ses révélations publiques. »
« Ils savent que je sais tout » : l’apothéose d’un homme en quête de reconnaissance
Dans son livre « Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique », Bourgi revient sur plusieurs décennies de relations franco-africaines, affirmant une nouvelle fois son rôle clé dans de nombreux dossiers. Mais au-delà de la simple chronique des relations franco-africaines, cet ouvrage est aussi une forme de confession publique. Bourgi y livre des anecdotes croustillantes, parfois au grand désespoir de ceux qu’il a servis fidèlement pendant des années.
Un conseiller élyséen qui a souhaité rester anonyme se désole : « Ce livre, c’est la preuve ultime qu’il ne sait pas s’arrêter. Il aurait pu écrire un livre fascinant, plein d’enseignements, mais il a choisi de régler des comptes, de tout dire, et au final, ça nuit à sa propre légende. »
Le livre regorge de détails sur les présidents africains qu’il a côtoyés, les présidents français qu’il a conseillés, et les secrets d’État qu’il a gardés… ou non. Un de ses anciens collaborateurs déclare : « Le titre est approprié, mais je dirais qu’il aurait dû ajouter : et je n’ai pas pu m’empêcher de tout dire. »
Un destin scellé par les paroles Robert Bourgi restera dans l’histoire comme l’un des hommes qui a le plus influencé les relations entre la France et l’Afrique, mais également comme celui qui n’a pas su garder le silence. Ses révélations, parfois explosives, ont jeté une lumière crue sur un système que beaucoup auraient préféré garder dans l’obscurité.
« Il a eu tout, il a tout su, mais il a tout gâché en parlant trop, » conclut un ancien président africain. « Il reste une figure importante, mais il est aujourd’hui perçu comme quelqu’un dont il faut se méfier. Et c’est bien dommage, car il aurait pu rester au sommet du pouvoir, au cœur de tous ces secrets qu’il aime tant dévoiler. »