Une étrange disparition de disques durs contenant des données sensibles sur les blocs pétroliers I et II de la zone du Graben Albertine met en lumière une affaire complexe, touchant à la fois à la gestion des ressources stratégiques de la République démocratique du Congo (RDC) et aux relations controversées avec l’homme d’affaires israélien Dan Gertler. L’Agence nationale de renseignement (ANR) a été chargée par le président Félix Tshisekedi de faire toute la lumière sur cette affaire qui secoue les plus hautes sphères de l’État.
Une disparition embarrassante de données sensibles
En septembre 2022, trois disques durs contenant des études et des données sismiques sur les blocs I et II du Graben Albertine, dans la partie congolaise du lac Albert, ont été remis au ministère des Hydrocarbures par le groupe Ventora, appartenant à Dan Gertler. Ces données, cruciales pour la valorisation de ces actifs, faisaient partie d’un accord transactionnel conclu en mars 2022 entre Gertler et Kinshasa, visant à transférer à l’État congolais l’ensemble des actifs miniers et pétroliers du milliardaire en échange de l’abandon des poursuites engagées contre lui et de l’effacement de dettes.
Cependant, ces disques durs ont mystérieusement disparu avant de réapparaître récemment dans un coffre-fort au bureau de l’ancien conseiller juridique du ministère des Hydrocarbures, Alain Mutombo. Cette disparition a provoqué des remous jusqu’au sommet de la présidence congolaise, incitant Félix Tshisekedi à diligenter une enquête par l’ANR.
Des données stratégiques de faible valeur ajoutée
Les disques durs récupérés ont été confiés à un expert chargé de vérifier leur authenticité, notamment en comparant leur contenu avec les données d’origine détenues par Ventora. Les premières analyses indiquent que ces données seraient incomplètes et de faible valeur ajoutée, ce qui soulève la question de leur possible manipulation. Cette découverte accentue la complexité de la gestion des blocs pétroliers, que Kinshasa cherche à céder depuis deux ans.
Dan Gertler avait monnayé la restitution de ces données à un prix élevé, exigeant que Kinshasa rembourse les 131 millions d’euros qu’il affirme avoir investis dans l’exploration des blocs I et II depuis 2010. En outre, des centaines de millions d’euros supplémentaires liés à d’autres actifs miniers restent à négocier dans le cadre des futurs accords.
Une succession d’appels d’offres infructueux
Malgré la restitution des données, les tentatives de Kinshasa pour trouver un repreneur sérieux pour les blocs pétroliers I et II se sont révélées infructueuses. Plusieurs majors, dont TotalEnergies, ENI et CNOOC, ont un temps montré de l’intérêt avant de se retirer. Des entreprises plus modestes ont tenté leur chance, mais sans disposer des ressources nécessaires pour opérer ces actifs stratégiques.
Face à l’absence de candidats sérieux, le ministère des Hydrocarbures a dû déclarer, le 14 octobre 2024, l’appel d’offres infructueux. Un nouveau processus doit être lancé sous la direction d’Aimé Sakombi Molendo, qui a succédé à Didier Budimbu en mai dernier. Cependant, l’actuel ministre a découvert avec surprise que les données des blocs I et II, essentielles pour les négociations, n’étaient pas documentées dans le procès-verbal de passation entre les ministres.
Une enquête qui s’éternise
Depuis l’ouverture de l’enquête par l’ANR, plusieurs acteurs clés ont été interrogés, notamment Robert Kahenga, ancien conseiller technique en charge de l’amont pétrolier. Toutefois, Alain Mutombo, dont le coffre-fort contenait les disques durs, n’a pas répondu aux convocations des enquêteurs et demeure introuvable. Cette situation complique les efforts de l’ANR, qui n’a pas encore finalisé son rapport, attendu avec impatience par la présidence.
En quête de transparence pour l’avenir
L’affaire met en lumière les dysfonctionnements institutionnels et les zones d’ombre dans la gestion des actifs stratégiques de la RDC. Alors que Kinshasa s’efforce de relancer un nouvel appel d’offres pour les blocs pétroliers I et II, la fiabilité des données et la crédibilité des futurs processus restent en question. L’exécutif devra également veiller à clarifier les responsabilités dans cette affaire pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir. En attendant, la recherche d’un repreneur crédible et d’une meilleure gouvernance demeure une priorité stratégique pour le pays.