Nigeria : Tinubu resserre les rangs en pleine tempête

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Le président Bola Ahmed Tinubu a profondément remanié, le 24 octobre, la hiérarchie militaire nigériane. Officiellement, il s’agit de renforcer « l’architecture sécuritaire nationale ». En coulisses, cette décision répond à un climat de suspicion croissante au sein de l’appareil sécuritaire, après l’arrestation de plusieurs officiers soupçonnés de fomenter un coup d’État avec des hommes liés au bureau du conseiller à la sécurité nationale, Nuhu Ribadu.

Selon un proche du palais d’Aso Rock, ce remaniement est né d’une perte de confiance du chef de l’État envers certains hauts gradés. « Tinubu a senti qu’une partie de la chaîne militaire lui échappait », confie un conseiller. Un autre, plus direct, estime que le président « a voulu replacer la loyauté au cœur du commandement ».
L’ancien chef d’Etat major de l’armée de terre le général Olufemi Oluyede, 57 ans, originaire d’Ekiti, a ainsi été nommé chef d’état-major des forces armées, en remplacement du général Christopher Musa. Officier de terrain, passé par l’ECOMOG au Liberia, l’Operation Harmony IV à Bakassi et l’Operation Hadin Kai contre Boko Haram, Oluyede incarne cette figure de soldat discipliné et apolitique que Tinubu juge essentielle pour restaurer la cohésion et verrouiller la hiérarchie. « Il n’est d’aucun camp, et c’est justement pour cela qu’il rassure », commente un proche du ministre de la Défense.

Autour d’Oluyede, Tinubu a aussi replacé ses pions. Le général Waidi Shaibu prend la tête de l’armée de terre, le vice-maréchal Sunday Kelvin Aneke, ancien pilote et instructeur, dirige désormais l’armée de l’air, et le contre-amiral Idi Abbas, technicien réputé, s’installe à la tête de la marine. Le général E.A.P. Undiendeye, patron du renseignement militaire, conserve son poste pour assurer la continuité. Tous quatre, selon un membre du Conseil national de sécurité, « représentent une nouvelle génération de chefs plus techniques que politiques ».

Cette recomposition renoue, en partie, avec l’esprit des réformes d’Olusegun Obasanjo (OBJ). Dès 1999, l’ancien général devenu président civil avait redessiné la carte militaire pour briser les vieux réseaux de putschistes et imposer la rotation systématique des officiers. Cette architecture reste, un quart de siècle plus tard, le principal rempart contre les coups d’État. Mais sur le terrain, le système s’essouffle : les officiers intermédiaires dénoncent les promotions biaisées et les déséquilibres régionaux, tandis que les soldats de terrain peinent à croire à la neutralité du commandement.

Conscient de cette fragilité, Tinubu tente de reconstruire un cercle de confiance autour de lui. « Le président sait que le danger ne vient pas seulement des armes, mais des ambitions », glisse un membre de son entourage. En misant sur Oluyede et ses pairs, il réactive la doctrine d’OBJ – discipline, rotation et contrôle civil – tout en rappelant qu’au Nigeria, la loyauté des hommes reste plus précieuse que la solidité des institutions.

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