En proie à des difficultés financières majeures, les autorités militaires au pouvoir à Niamey cherchent à imposer à la major pétrolière chinoise CNPC un redressement fiscal d’envergure, en réclamant des pénalités records pour les exercices fiscaux de 2022 et 2023.
La Direction générale des impôts (DGI) du Niger a présenté il y a plusieurs semaines une facture de 66,8 milliards de francs CFA, soit environ 102 millions d’euros, à la Société de raffinage de Zinder (Soraz), coentreprise détenue à 60 % par China National Petroleum Corporation (CNPC) et à 40 % par l’État nigérien. Ce redressement fiscal, concernant une série d’impôts et de taxes non payés, a été suivi d’une mise en recouvrement adressée le 18 octobre à la société.
Le montant réclamé par les autorités est divisé en deux parts principales : 39,2 milliards de francs CFA (59,9 millions d’euros) pour des arriérés d’impôts (notamment sur les salaires, les bénéfices, les non-résidents, la TVA et divers autres prélèvements) et 27,6 milliards de francs CFA (42,25 millions d’euros) de pénalités pour non-paiement.
L’État nigérien, qui détient une part de 40 % dans la Soraz, devrait théoriquement en assumer une partie de la responsabilité. Toutefois, les autorités espèrent que CNPC prendra en charge l’intégralité du redressement. Une demande qui risque de rencontrer une forte résistance de la part de la compagnie chinoise.
Des tensions sur les arriérés et les profits
CNPC fait valoir que, lorsqu’elle retire les produits raffinés de la Soraz (20 000 barils par jour), la Société nigérienne du pétrole (Sonidep) laisse d’importants arriérés de paiement. Selon la compagnie chinoise, la revente des produits non réglés permet à Sonidep de réaliser des bénéfices sans coûts pour l’État. Dans ce contexte, la demande de redressement fiscal de plus de 100 millions d’euros semble malvenue aux yeux des responsables chinois, qui considèrent la Soraz comme une source de revenus importante pour le gouvernement.
Ce redressement a été discuté lors de la visite à Niamey, en octobre, de Chen Jintao, président de CNPC Exploration & Development Co (CNODC), la branche internationale de CNPC. Cependant, aucune solution n’a été trouvée et, deux mois après cette rencontre, les négociations semblent dans une impasse totale.
La gestion de Bilma et les tensions avec CNPC
Les relations entre la junte nigérienne et CNPC sont également tendues à propos du bloc pétrolier de Bilma, que l’État nigérien a retiré des mains de CNPC en 2023, avant de le confier à Sonidep en mars 2024. La junte a clairement exprimé son désir de « nigerianiser » les ressources pétrolières du pays, une politique qui vise à renforcer le contrôle national sur les secteurs stratégiques, comme le pétrole et les mines.
Le bloc de Bilma représente un enjeu stratégique majeur pour CNPC, qui a investi près de 300 millions de dollars dans des explorations sur ce site depuis 2008. Toutefois, la réattribution de ce bloc à Sonidep s’inscrit dans un objectif plus large de souveraineté énergétique et d’autonomie pour le Niger. La junte semble envisager un retour de Bilma sous gestion chinoise uniquement si CNPC accepte de verser un supplément financier à l’État nigérien.
Pressions croissantes sur les entreprises chinoises
Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum, la junte de Niamey met une pression croissante sur les entreprises chinoises, les dernières à investir de manière significative au Niger. Le régime militaire semble chercher à exploiter toutes les opportunités de générer des fonds, en imposant par exemple une mise en concurrence de CNPC, début 2024, pour la commercialisation du brut nigérien exporté d’Agadem. Cette démarche visait à obtenir un paiement important en échange de l’accès à ces ressources.
En mars 2024, CNPC avait dû verser 400 millions de dollars pour régler cette question, avant le début des exportations via un oléoduc vers le Bénin, afin d’éviter que d’autres traders, comme BGN Group ou BB Energy, ne prennent le contrôle des ventes de pétrole nigérien.
Dans ce contexte, les tensions entre le régime militaire du Niger et CNPC devraient perdurer, le gouvernement nigérien cherchant à maximiser les recettes issues de ses ressources naturelles, tout en cherchant à renforcer son contrôle sur le secteur énergétique et minier du pays.