L’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié est mort le mardi 1er août, à l’âge de 89 ans dans un hôpital privé à Abidjan. Les ivoiriens se souviennent d’un géant de la scène politique qui a traversé bien des tempêtes, perdant au passage beaucoup de plumes.
Le parcours du Sphinx
Henri Konan Bédié est un baoulé, né le 5 mai 1934 en Côte d’Ivoire, à Dadiékro dans le département de Daoukro. Après l’obtention de son baccalauréat scientifique en 1954 à l’Ecole normale de Dabou, il poursuit ses études supérieures à l’université de Poitiers en France. Il obtient successivement une Licence en Droit, deux diplômes d’études supérieures en économie politique et le certificat d’aptitude à la profession d’avocat.
Il devient le tout premier ambassadeur de la Côte d’Ivoire aux Etats-Unis à seulement 27 ans en 1961. De retour au pays, il sera délégué aux Affaires économiques et financières puis ministre de l’Économie et des Finances. En 1974, devient président des Assemblées annuelles du FMI/BIRD, et le premier président du Comité joint FMI/BIRD (1974-1976). Il a été conseiller à la Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale alors présidée par Robert Mac Namara. Député et maire de Daoukro, Henri Konan Bédié est également élu président de l’Assemblée nationale qu’il dirige de 1980 à 1993.
Lorsque Félix Houphouët-Boigny, son mentor, meurt en 1993, il assure l’intérim en le remplaçant à la tête du pays, en vertu de l’article 11 de la constitution ivoirienne. Il sera réellement élu deux ans plus tard à l’issue de l’élection présidentielle. Il devient aussi président du PDCI-RDA, le parti avec lequel Félix Houphouët-Boigny a gouverné pendant 33 ans.
Héritier de Félix Houphouët-Boigny
Il est impossible de faire un récit de la vie d’Henri Konan Bédié sans revenir sur le concept d’ivoirité. Pour les élections de 1995, Bédié qui s’est toujours senti en droit de succéder à Félix Houphouët-Boigny a mis en avant ce concept pour écarter son rival et Premier ministre de l’époque, Alassane Ouattara. D’après ce concept, les candidats devaient prouver que leurs deux parents sont bien ivoiriens. Il réussira à se faire élire avec 96,44% des voix ; la majorité des candidats ayant boycotté l’élection à cause de cette réforme controversée.
Bédié est à nouveau président mais les tensions montent en Côte d’Ivoire et le pays s’enfonce progressivement dans une crise politique à dimension ethnique, à cause de l’ivoirité. Henri Konan Bédié est évincé par un coup d’Etat militaire le 24 décembre 1999. Un coup d’Etat qu’il ne réussira jamais à digérer à cause de l’humiliation de l’exil et la trahison des membres de son parti qui ont rejoint les putschistes.
Après deux ans d’exil à Paris, il rentre en Côte d’Ivoire en 2001 pour participer au Forum de réconciliation nationale. Le 31 octobre 2010, il est candidat à l’élection présidentielle ivoirienne et obtient 25,2 % au premier. Il appelle à voter Alassane Ouattara au second tour qui est opposé à Laurent Gbagbo ; ce qui s’avérera déterminant pour la défaite de ce dernier.
Il rompt avec Ouattara en 2018 à la suite de plusieurs divergences, dont la principale est le refus de ce dernier de céder à la revendication de Bédié de soutenir à son tour un candidat commun qui serait cette fois issu des rangs du PDCI.
Un bon vivant
De tous les poids lourds de la scène politique ivoirienne, Henri Konan Bédié était le plus âgé. Les personnes de son entourage, décrivent un grand amateur de cigares, un bon vivant et un homme mystérieux avec un caractère bien trempé. D’ailleurs son surnom “Sphinx” est une allusion à sa personnalité.
Politique et écrivain
Henri Konan Bédié est auteur de plusieurs ouvrages. Le plus célèbre de ses livres est intitulé « Les chemins de ma vie ». Ce livre est la retranscription de ses discours et d’entretiens avec le journaliste français Éric Laurent. Il y raconte son parcours et revient sur son appartenance à la royauté.
Jusqu’à sa mort le 1er août 2023, Henri Konan Bédié aura été très actif sur la scène politique ivoirienne. Il n’avait pas exclu d’être candidat à la prochaine élection présidentielle.
Dorcas GANMAGBA
