Mohamed Bazoum : le prisonnier oublié d’une junte sans projet 

Publié le:

Le 26 juillet 2023, un coup d’État militaire met fin au mandat de Mohamed Bazoum, président démocratiquement élu du Niger. Deux ans plus tard, ce dernier est toujours détenu illégalement, sans jugement ni chef d’inculpation, dans une captivité qui n’a rien de circonstancielle : elle constitue le pilier central du système de domination mis en place par les putschistes.

Ce renversement n’est pas un accident de l’histoire. Il porte la marque d’une trahison personnelle et politique : le général Abdourahamane Tiani, instigateur du coup, était le chef de la garde présidentielle, un poste stratégique qu’il occupait depuis plus d’une décennie, et dans lequel il avait été maintenu par Bazoum sur recommandation explicite de l’ancien président Mahamadou Issoufou. Depuis, ce dernier observe un silence lourd de sens, alors même que son nom circule dans les cercles militaires comme la figure tutélaire officieuse du nouveau régime.

La justification officielle du coup d’État reposait sur une prétendue volonté de restaurer la souveraineté nationale, de lutter plus efficacement contre le terrorisme et de rompre avec les élites corrompues. Or, deux ans plus tard, ces promesses ont sombré dans le discrédit.

Le Niger est aujourd’hui exsangue. Les groupes armés terroristes ont regagné du terrain à une vitesse fulgurante. De vastes portions du territoire échappent totalement au contrôle de l’État. Pas une semaine ne passe sans que les Forces armées nigériennes ne subissent de lourds revers. Les attaques se multiplient, les pertes s’accumulent, et la population civile est à nouveau livrée à elle-même.

Pendant ce temps, les auteurs du putsch se sont retranchés dans les salons climatisés de Niamey, éloignés du front, sans aucun fait d’armes à leur actif. Ils gouvernent à distance, dans une logique d’entre-soi militaro-politique où les galons se distribuent plus vite que les résultats. L’armée se fragmente, les chaînes de commandement se politisent, et les étoiles se multiplient dans les rangs supérieurs pendant que les soldats tombent au front.

Lire aussi : HRW appelle les autorités à libérer Mohamed Bazoum

Quant à la communauté internationale, elle a depuis longtemps baissé les bras. La CEDEAO, après avoir menacé sans agir, a recadré ses ambitions à la baisse, dans l’espoir d’un compromis impossible. Les grandes puissances, elles, ont ajusté leur discours à leurs intérêts miniers, énergétiques et géostratégiques. Mohamed Bazoum a été abandonné, non par ses ennemis, mais par ceux qui, hier encore, se réclamaient de la démocratie et de la coopération régionale. Son maintien en détention arbitraire n’est pas un détail, c’est le socle idéologique du régime en place. Car tant que Bazoum reste enfermé, le pouvoir peut entretenir l’illusion d’un ordre nouveau, sans jamais rendre compte du chaos qu’il a lui-même contribué à installer.

En vérité, Bazoum est aujourd’hui le miroir inversé du Niger. Lui est enfermé, isolé, humilié. Le pays l’est aussi : privé d’issue, captif d’un régime sans vision, et soumis aux vents croisés de la violence et du mensonge. Libérer Mohamed Bazoum n’est pas seulement une exigence morale. C’est une condition politique fondamentale. Une manière de rappeler que l’autorité véritable ne se construit ni sur la trahison, ni sur l’humiliation d’un homme, ni sur le silence d’un peuple.

Dorcas GANMAGBA
Dorcas GANMAGBA
Journaliste, Rédaction en Chef

Partager:

S'abonner

spot_imgspot_img

Populaire

Plus d'articles similaires
Articles Similaires

Présidentielle au Cameroun : le candidat Tchiroma appelle à manifester pour défendre sa « victoire »

L'ancien ministre passé à l'opposition Issa Tchiroma Bakary a...

Ouganda : 63 morts dans un accident de la route

Soixante-trois personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées...

Gabon : Sylvia et Noureddin Bongo ne retourneront pas à Libreville pour leur procès

L'ancienne Première dame et le fils du président déchu...

Burkina Faso : deux patrons de presse libérés près d’une semaine après leur interpellation 

Les directeurs de publication de deux médias burkinabè en...