Mali, Burkina Faso, et Niger quittent la CEDEAO, secouant la région

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En optant pour le retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les juntes militaires du Mali, du Burkina Faso, et du Niger, prennent le risque de compromettre la libre circulation et retardent le retour des civils au pouvoir.

Lundi, le Mali et le Burkina Faso ont formellement notifié à la CEDEAO leur retrait de l’organisation. Aucune information n’a encore été publiée du côté nigérien. La CEDEAO, l’organisation économique régionale de 15 pays, s’est opposée aux coups d’État ayant successivement porté les militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso, et au Niger, imposant d’importantes sanctions économiques au Niger et au Mali. En août, elle a même menacé en vain d’intervenir militairement au Niger pour rétablir l’ordre constitutionnel et libérer le président Mohamed Bazoum renversé. Le dialogue est pratiquement rompu entre l’organisation et les régimes de Bamako, Ouagadougou, et Niamey, qui ont créé l’Alliance des États du Sahel (AES) et accusent leurs voisins d’agir sous l’influence de « puissances étrangères », en premier lieu la France, ex-puissance coloniale dans la région.

Militaires soupçonnés de s’accrocher au pouvoir. Des élections étaient théoriquement prévues au Mali et au Burkina Faso en 2024, censées assurer le retour à un gouvernement civil, une condition préalable exigée par la CEDEAO pour lever ses sanctions et réintégrer ces pays dans ses instances décisionnelles. Cependant, les régimes militaires souhaitent prolonger la durée des transitions, invoquant la lutte anti-jihadiste. Le nouveau dirigeant du Niger, le général Abourahamane Tiani, n’a pas encore annoncé un calendrier pour la transition. « Les États de l’AES ont anticipé un débat qui devait venir, celui de la fin des transitions. La sortie de la CEDEAO semble reléguer cette question au second plan », estime Fahiraman Rodrigue Koné, spécialiste du Sahel à l’Institut des études de sécurité (ISS). « Bien installés dans les palais et devant les délices du pouvoir, ils (les dirigeants des pays de l’AES) veulent s’éterniser dans les fauteuils présidentiels », critique Le Patriote, quotidien du parti au pouvoir en Côte d’Ivoire.

Libre circulation menacée. La CEDEAO garantit aux citoyens des pays membres la possibilité de voyager sans visa et de s’établir dans les pays membres pour y travailler ou y résider. L’annonce du retrait burkinabè, nigérien, et malien suscite donc l’inquiétude de centaines de milliers de ressortissants de ces pays, qu’ils soient particuliers ou commerçants. Cependant, les trois pays enclavés du Sahel et leurs principaux partenaires économiques côtiers comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont également membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA, 8 pays), qui garantit également en principe la « liberté de circulation et de résidence » pour les ressortissants ouest-africains, ainsi que le dédouanement de certains produits et l’harmonisation des tarifs et des normes, à l’instar de la CEDEAO. Les conséquences d’un retrait pourraient être plus marquées aux frontières du Niger et du Nigeria, pays n’appartenant pas à l’UEMOA. Le géant économique d’Afrique de l’Ouest représente plus de la moitié du PIB de la CEDEAO et est le premier partenaire économique du Niger dans la région. Les 1 500 km de frontière qui séparent les deux États sont toutefois mal contrôlés et en proie aux attaques des groupes armés. Une part importante des flux échappe aux contrôles douaniers. « Même si c’est par la contrebande, les biens et les personnes vont rentrer au Niger, vous ne pouvez pas séparer Sokoto (nord du Nigeria) de Konni (Niger), c’est un même peuple », assure Chaïbou Tchiombiano, secrétaire général du Syndicat des commerçants importateurs-exportateurs et grossistes du Niger.

Le franc CFA après ? Les régimes du Mali, du Burkina, et du Niger ont annoncé leur retrait « sans délai », mais les textes de la CEDEAO prévoient qu’une demande doit être déposée par écrit un an avant. « Juridiquement, un retrait sans délai n’est pas possible. Ces États devront trouver une forme d’entente et des négociations iront dans le sens de trouver les moyens de faire ce retrait de manière progressive », estime Fahiraman Rodrigue Koné. Alors que les groupes jihadistes progressent au Sahel et jusqu’aux marges des États côtiers, « la région se fragmente, devient objet de concurrence géostratégique plus forte, et cela n’est pas une bonne nouvelle pour la stabilité », avertit le chercheur.
Les vives critiques formulées par ces régimes et leurs partisans à l’encontre du franc CFA, la monnaie commune des pays membres de l’UEMOA, pourraient également conduire les pays de l’AES à quitter cette organisation et à renoncer à la libre circulation des biens et des personnes en attendant l’émergence d’une zone de libre-échange continentale africaine, encore à l’état de projet.

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