Une avocate burkinabè a été « appréhendée » par des « personnes armées » la semaine dernière à son domicile à Ouagadougou et est accusée de « trahison » et « outrage » au chef de la junte, après des publications critiques du régime militaire au pouvoir, a-t-on appris dimanche de sources judiciaires.
Le Burkina Faso est dirigé depuis près de trois ans par une junte autoritaire qui réprime régulièrement les voix critiques. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, des « personnes armées se présentant comme étant de la gendarmerie nationale ont forcé les accès au domicile » de Me Ini Benjamine Esther Doli et « l’ont appréhendée et emmenée de force » a écrit dans un communiqué transmis le bâtonnier du Burkina Batibié Bénao. Exigeant « sa libération immédiate », il a précisé ignorer le lieu où elle se trouve.
Le procureur du Faso Bakouli Blaise Bazié a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête contre cette avocate pour des faits présumés « de trahison, outrage au chef de l’État et entreprise de démoralisation des forces armées ». Le parquet dit avoir constaté fin août une série de publications sur le profil Facebook de Mme Doli, pouvant justifier d’une « qualification pénale ».
Dans ces publications, Mme Doli dénonçait notamment les « violations des droits humains » et les dérives du régime du capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis un coup d’Etat en septembre 2022.
Elle avait même adressé une lettre ouverte au président russe Vladimir Poutine, dont le Burkina s’est rapproché ces dernières années.
Elle demandait notamment à ce dernier de dire aux autorités de son pays de « libérer toutes les personnes » détenues « injustement dans des lieux obscurs et privés sans aucun mandat de la justice ». « Ce sont des publications qu’elle a faites alors qu’elle était en vacances hors du Burkina Faso. Elle a été interpellée le jour même où elle revenait de voyage et s’attendait plus ou moins à son arrestation, mais pas de cette manière », a indiqué un avocat sous le couvert de l’anonymat.
Avocats, journalistes, militants de la société civile, militaires: les arrestations ou enlèvements de voix considérées comme hostiles à la junte sont fréquentes au Burkina Faso depuis la prise de pouvoir d’Ibrahim Traoré.
Ce dernier qui revendique une politique anti-impérialiste et souverainiste assume mener « une révolution progressive populaire » et avait affirmé en avril que son pays n’était « pas une démocratie ». Il avait fait du retour de la sécurité dans le pays sa priorité, mais le Burkina Faso n’arrive pas à enrayer la spirale de violences jihadistes qui le frappe depuis plus de dix ans.