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Qui fait tourner la machine vaticane en l’absence du pape François ?

La question du gouvernement du Saint-Siège en l’absence du pape François se pose à nouveau alors que le souverain pontife, âgé de 88 ans, est hospitalisé en raison d’une pneumonie persistante. Cette situation met en lumière les mécanismes institutionnels qui permettent à la Curie romaine de fonctionner en dépit de l’indisponibilité temporaire du pape.

Un pape malade, une machine qui tourne

« Repos absolu », ont prescrit les médecins du pape François. Un ordre difficile à suivre pour un pontife qui a la réputation d’être infatigable et de ne prendre que très peu de vacances. Dans sa chambre du dixième étage de la polyclinique Gemelli, il alterne prère, lecture, repos et étude de documents de travail que ses collaborateurs lui font parvenir.

Le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les Causes des saints, a réitéré dans La Repubblica que seuls les médecins pouvaient imposer une pause à François. Pendant ce temps, la machine vaticane continue de fonctionner normalement. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État, a poursuivi sa visite au Burkina Faso, le cardinal Michael Czerny est au Liban et Mgr Paul Richard Gallagher a assisté à la Conférence de Munich sur la sécurité.

Malgré cette continuité apparente, certaines décisions majeures, comme la nomination d’évêques ou la promulgation de documents officiels, requièrent directement l’aval du pape. Sans son approbation, des dossiers clés pourraient subir des retards, d’autant plus que sa réforme de 2022 a renforcé la centralisation du pouvoir pontifical.

Les incertitudes juridiques du droit canonique

En cas de vacance du siège apostolique, la gouvernance est confiée au camerlingue, actuellement le cardinal Kevin Farrell, qui gère les affaires courantes jusqu’à l’élection d’un nouveau pape. Toutefois, le droit canon ne prévoit pas clairement la situation où un pape est malade mais toujours en vie. « Le pape reste pape même à l’hôpital », affirme un canoniste ayant travaillé sur la question de l’empêchement pontifical. Il peut continuer à déléguer via la secrétairerie d’État, qui transmet ses directives aux responsables de la Curie.

Cependant, si le pape entrait dans un coma prolongé ou souffrait d’une dégradation cognitive irréversible, le Saint-Siège se retrouverait dans une impasse juridique. Seul le pape peut démissionner et aucun mécanisme ne permet de déclarer officiellement son incapacité.

Une lettre de démission en cas d’incapacité

Pour pallier cette lacune, le pape François a rédigé une lettre de démission dès le début de son pontificat, confiée à un proche. En cas d’incapacité avérée, ce document pourrait permettre aux cardinaux de mettre officiellement fin à son mandat. Cependant, la validité juridique d’un tel document fait encore débat parmi les spécialistes du droit canonique.

Il subsiste ainsi une « zone grise » entre une incapacité totale, qui déclencherait une vacance officielle du siège, et une incapacité partielle, dans laquelle le pape conserve une certaine maîtrise de ses fonctions. « Cette situation découle de la nature même du pouvoir pontifical, qui repose sur une autonomie absolue du pape », analyse un expert. En attendant, le Saint-Siège maintient que François reste apte à gouverner, malgré son traitement lourd à base de cortisone.

L’absence prolongée du pape pose donc une question institutionnelle de fond : comment assurer la continuité du gouvernement de l’Église tout en respectant l’autorité pontificale ? Une question qui pourrait se poser avec plus d’acuité dans les années à venir, alors que les papes vivent de plus en plus longtemps.

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