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PDCI : Tidjane Thiam efface les sanctions, mais verrouille la scène


À une semaine d’un bureau politique très attendu à Yamoussoukro, le président du PDCI a signé une amnistie générale pour tous les cadres sanctionnés. Derrière le geste d’ouverture, une manœuvre tactique bien huilée pour reprendre la main face à ses contestataires internes.

Le message est passé par un communiqué, sec et sans appel : « annulation pure, simple et totale de toutes les sanctions à l’endroit de tous les militants du PDCI-RDA ». En levant, le 26 mars, l’ensemble des exclusions, suspensions et procédures disciplinaires en cours, Tidjane Thiam n’a pas seulement pacifié l’atmosphère à l’approche du bureau politique du 5 avril. Il a aussi repositionné son autorité. Et, plus subtilement, verrouillé les conditions d’un duel équitable – mais contrôlé – pour la course à l’investiture du parti à la présidentielle.

Rassembler pour mieux neutraliser

Valérie Yapo, l’une des figures les plus virulentes du camp anti-Thiam, avait déjà été réintégrée la veille. Son exclusion temporaire, décidée en octobre 2024 pour « atteinte à la cohésion », avait été vécue comme une ligne rouge par une frange du bureau politique. La lever discrètement, en amont de l’amnistie globale, a permis d’éviter un affrontement symbolique. Quant à Jean-Louis Billon, autre prétendant sérieux à la candidature du PDCI, il est également concerné. Sa convocation par les instances disciplinaires pour « atteinte à l’unité » est désormais classée sans suite.

En interne, personne n’est dupe. Un membre du Grand Conseil résume la lecture dominante parmi les barons du parti : « Ce n’est pas un geste de magnanimité. C’est un calcul, un repositionnement avant la grande bataille de l’investiture. » Certains évoquent même une manœuvre préventive, liée à l’audience judiciaire attendue le 24 avril, au cours de laquelle Valérie Yapo doit contester la légitimité même de la présidence Thiam devant le tribunal d’Abidjan.

Une jurisprudence de la main tendue

Ce n’est pas la première fois que l’ancien patron de Credit Suisse fait usage de la stratégie du pardon politique. En février 2024, il avait déjà levé les sanctions frappant plusieurs cadres « frondeurs », dont Yasmina Ouegnin, députée de Cocody, après les candidatures dissidentes aux locales de 2023. Une démarche alors présentée comme un appel à l’unité, sous le mot d’ordre « tous ensemble », devenu l’un des slogans de son équipe.

Mais cette fois, l’enjeu est plus immédiat. À six mois de l’élection présidentielle, alors que les ambitions internes se précisent, cette amnistie agit comme un double signal : un appel à la cohésion… mais aussi une façon de réinitialiser le jeu, sans exclure personne, mais en réaffirmant la position dominante de celui qui tient le parti.

Le 5 avril : désamorcer les tensions, imposer le tempo

Le bureau politique convoqué à Yamoussoukro réunira quelque 2 000 membres. Il s’agira officiellement de fixer la date de la convention d’investiture. Officieusement, ce sera un test grandeur nature pour jauger les rapports de force internes. Le discours d’orientation que prononcera Tidjane Thiam est attendu : il dressera un bilan de son action à la tête du parti, mais devrait surtout poser un cadre, fixer des lignes, envoyer des signaux à ses concurrents et aux militants.

Selon nos informations, la volonté de tenir une compétition ouverte reste affichée, mais le camp présidentiel cherche à sécuriser les équilibres : éviter une fragmentation du vote à la convention, empêcher une candidature alternative de cristalliser les frustrations, et surtout contenir l’effet Billon, dont les équipes s’activent discrètement.

À la conquête du consensus

Depuis qu’il a officiellement renoncé à sa nationalité française — condition sine qua non pour pouvoir briguer la magistrature suprême — Tidjane Thiam sait que la question de sa légitimité ne peut se réduire à son aura technocratique ou à son parcours international. Il lui faut désormais incarner un parti. Et cela passe par la maîtrise de son appareil interne.

En optant pour une amnistie totale, il renforce l’image d’un président rassembleur, tout en désactivant, temporairement du moins, les foyers de contestation. Reste à savoir si cette pacification de surface tiendra jusqu’à la convention, et si ses adversaires internes joueront le jeu… ou patienteront jusqu’au moment opportun pour revenir dans l’arène.

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