Le Sénégal a entamé vendredi de premières auditions judiciaires dans le cadre des enquêtes sur les crimes commis entre 2021 et 2024 lors de violences politiques qui avaient fait des dizaines de morts sous l’ancien pouvoir, a indiqué à l’AFP le responsable d’un collectif de victimes.
Très attendues dans le pays depuis l’avènement en mars 2024 des nouvelles autorités, ces auditions ouvrent la voie à un long processus judiciaire censé faire la lumière sur ces évènements qui ont traumatisé une partie du pays. Au moins 65 personnes avaient été tuées – dont 51 par balles, en grande majorité des jeunes – entre mars 2021 et février 2024 pendant des manifestations à l’appel de l’opposition, selon le bilan établi par un collectif réunissant des journalistes et des scientifiques. Nombre de jeunes avaient aussi été blessés ou placés en détention.
Des responsables parmi les nouvelles autorités avancent un nombre de morts plus élevé, jusqu’à plus de 80. « L’audition de Pape Abdoulaye Touré est terminée. Elle a duré quatre heures de temps », a confirmé vendredi à l’AFP le coordinateur de l’Initiative zéro impunité (IZI), Fodé Diatta.
Dans un communiqué conjoint jeudi, deux mouvements réclamant justice pour ces évènements, l’Initiative zéro impunité et Sénégal notre priorité (SNP), avaient annoncé la convocation vendredi par les enquêteurs d’un de leurs membres, victime présumée de torture.
IZI et SNP « informent l’opinion publique de l’ouverture officielle des dossiers politiques liés aux évènement de 2021 à 2024, à la suite d’un soit-transmis du procureur de la République », selon leur communiqué.
Le ministère de la Justice avait déjà annoncé fin août l’ouverture d’une enquête sur ces dossiers. Malgré leur promesse de faire la lumière sur ces crimes, les nouvelles autorités font face depuis quelques mois à une pression redoublée de la part des familles des victimes et de membres de leur propre camp, qui dénoncent la lenteur de la justice. Le 30 août, des centaines de Sénégalais avaient manifesté à Dakar pour réclamer justice contre ces crimes.
Le Sénégal a été entre 2021 et 2024 le théâtre de violentes manifestations politiques, durement réprimées par le pouvoir de l’ex-président Macky Sall (2012-2024). Une loi d’amnistie couvrant ces violences avait été adoptée en mars 2024, dans les dernières semaines de la présidence de Macky Sall, afin d’apaiser les tensions politiques.
Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé en avril que ces crimes présumés sont « imprescriptibles » et peuvent être jugés. Pendant les manifestations politiques entre 2021 et 2024, la présence d’hommes armés en civil avait été relayée sur les réseaux sociaux et dénoncée par des défenseurs des droits humains.