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La Russie en Afrique : elle n’est pas là pour nos beaux yeux !

Par Fiacre VIDJINGNINOU, PhD Sociologie Politique

Il y a des vérités qu’il faut dire, même si elles dérangent. La Russie, qui revient en Afrique sous couvert de partenariat stratégique, n’est pas là par amour du continent ni pour les beaux yeux des peuples africains. Elle est là pour ses intérêts. Elle est là pour exploiter une opportunité géopolitique : l’effondrement du consensus occidental, la montée des régimes militaires, la fragilité de nos États, et la disponibilité immédiate de ressources stratégiques.

Mais cette histoire n’est pas nouvelle.

Dans les années 1960 et 1970, l’Union soviétique, ancêtre idéologique et militaire de la Russie actuelle, avait activement soutenu les mouvements de libération en Afrique. Elle armait, formait, finançait les révolutions contre les puissances coloniales, de l’Angola au Mozambique, du Congo à la Guinée, en passant par l’Éthiopie, le Mali et le Bénin. L’URSS était alors présentée comme le champion des peuples opprimés. Mais à quel prix ?

Une fois au pouvoir, nombre de ces régimes se sont alignés sur le modèle soviétique : planification centralisée, culte de l’État, économie administrée. Le résultat ? Des faillites colossales. Une banqueroute généralisée. Des États surendettés, des monnaies effondrées, des entreprises publiques exsangues, des sociétés civiles bâillonnées. Quand l’URSS s’est effondrée en 1991, elle nous a laissés avec des ruines idéologiques et des structures économiques dysfonctionnelles.

Aujourd’hui, les héritiers de cette tradition reviennent, mais avec des mercenaires au lieu des idéologues, et des armes au lieu des écoles de cadres. Et comme hier, ils ne viennent pas pour nous, mais pour eux.

Au Mali, les supplétifs russes contrôlent désormais la mine d’or de Kokoyo. Au Burkina Faso, ce sont Inata et Moungouqui intéressent les hommes de Wagner. Au Niger, c’est Imouraren, immense gisement d’uranium dans le désert nigérien, qui cristallise toutes les attentions. À chaque fois, la présence russe s’échange contre des concessions opaques, des accords léonins, et un silence stratégique sur les abus des régimes en place.

Et que dire de la Centrafrique ? Présentés comme des partenaires, les mercenaires russes sont devenus maîtres de l’appareil sécuritaire et pillards de ses ressources. À Ndassima, ils exploitent l’or. À Bria, les diamants. À Lobaye, les forêts. En échange, le pays héberge désormais des centaines d’enfants nés des viols commis par les hommes de Wagner. Ces enfants, arrachés à toute reconnaissance officielle, sont les stigmates d’une coopération transformée en soumission.

Le drame est là : quitter une puissance occidentale dont on juge la coopération toxique pour se lier à une autre qui viole vos filles, pille vos mines et vous fournit des jouets de guerre pour décimer votre propre peuple, ce n’est pas un choix souverain, c’est un acte d’auto-destruction massif.

Alors, posons-nous la seule question qui vaille : sommes-nous les assassins de nos propres peuples, ou en sommes-nous les protecteurs ? Il ne peut y avoir d’entre-deux.

L’Afrique n’a pas besoin de parrains. Elle a besoin de partenaires. Pas de nouveaux maîtres, mais de nouveaux horizons. Nous n’avons plus le luxe de l’illusion. La Russie n’est pas notre amie. Elle est notre client, notre rival, notre prédateur, selon les cas. Mais elle n’est pas, et ne sera jamais, notre sauveur.

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