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Diomaye Faye – Patrice Talon : un tête-à-tête pour conjurer la crise à l’UEMOA

C’est une visite qui aura mis du temps à se concrétiser. Depuis son investiture en mars 2024, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye avait exprimé le souhait d’effectuer une visite officielle au Bénin. Objectif : rencontrer Patrice Talon, l’un des rares chefs d’État de la CEDEAO qu’il n’avait pas encore croisé en tête-à-tête. Mais le timing n’a jamais semblé favorable. “Le boss était absent”, répondait-on, côté béninois. Et Diomaye, dans l’ombre, commençait à s’interroger : Talon le bouderait-il ?
Il aura fallu attendre juillet, et un échange en marge de la réunion d’une réunion à Abuja le 22 juin dernier, pour que le rendez-vous soit finalement reprogrammé. Le mardi 16 juillet, Diomaye Faye est accueilli à La Marina pour un entretien d’1h30 avec son homologue béninois. Une rencontre franche, suivie d’un échange élargi aux ministres des deux délégations, puis d’un dîner à la salle du Peuple de la présidence. Mais au-delà des apparences, c’est un sujet brûlant qui a rythmé les discussions : la paralysie institutionnelle de l’UEMOA et la nécessité d’éviter à l’Union monétaire de subir le même sort que la CEDEAO, désormais fracturée par le retrait de l’AES (Alliance des États du Sahel).

Une médiation à deux têtes. Les deux présidents ont convenu d’un plan d’action. Diomaye Faye, perçu comme un visage nouveau et plus audible auprès des juntes, devra, dès ce mercredi 17 juillet, entrer en contact avec Ibrahim Traoré (Burkina Faso), Assimi Goïta (Mali) et Abdourahamane Tiani (Niger) pour les convaincre de suspendre leur menace de boycott de l’UEMOA. En parallèle, Patrice Talon, dont les relations avec Alassane Ouattara sont bien connues, s’est engagé à faire baisser la tension du côté d’Abidjan.
Car c’est bien là que se cristallise le cœur du blocage : Ouattara refuse catégoriquement que le Burkina Faso prenne la présidence tournante du conseil des ministres de l’UEMOA, comme le prévoit pourtant la rotation alphabétique. En poste depuis plus d’un an, le ministre ivoirien Adama Coulibaly aurait dû passer la main, mais le contexte sécuritaire invoqué par Abidjan sert de prétexte à un statu quo jugé inacceptable par Ouagadougou, appuyé par ses alliés maliens et nigériens. L’épisode rappelle à bien des égards les tensions qui ont précédé la rupture avec la CEDEAO.

Un consensus fragile à construire. La réunion du 11 juillet à venir s’annonce décisive. En cas d’impasse, la crédibilité de l’UEMOA sur les marchés financiers pourrait s’éroder un peu plus. Les juntes, encore membres officiels de l’organisation, menacent de claquer la porte si leurs revendications ne sont pas entendues. En face, la Côte d’Ivoire, qui cumule la présidence du conseil des ministres et celle de la conférence des chefs d’État, redoute l’agenda politique de Ouagadougou.
Face à ce bras de fer, Talon et Diomaye veulent imposer un dialogue franc. Dès la semaine prochaine, des visioconférences de haut niveau sont prévues entre les différentes parties. En coulisses, une piste de sortie s’esquisse : confier provisoirement la présidence du conseil à Romuald Wadagni, ministre béninois des finances depuis 2016 et doyen des ministres en exercice. Une solution de compromis qui permettrait de temporiser, tout en évitant l’humiliation d’un camp ou d’un autre.
En prenant la main sur cette médiation, Diomaye Faye s’affirme comme un chef d’État pleinement investi dans la stabilité régionale. Quant à Talon, il démontre qu’il reste une pièce maîtresse du jeu diplomatique ouest-africain, capable d’arrondir les angles sans jamais se départir de sa discrétion stratégique.

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