Site icon AFRIQUES

À Bamako, un dernier adieu à Amadou Bagayoko, voix d’un Mali universel

Dans la chaleur douce d’un samedi endeuillé, le silence a pris possession du quartier où vivait Amadou Bagayoko. L’artiste malien, moitié du couple mythique Amadou & Mariam, s’est éteint vendredi à 70 ans. Il laisse derrière lui Mariam Doumbia, son épouse, sa partenaire de scène et de vie, mais aussi un pays en deuil, et des millions de fans à travers le monde qui pleurent l’un des derniers grands ambassadeurs de la musique malienne contemporaine.

“Amadou est parti comme ça. Je vais désormais rester seule dans la vie”, a confié Mariam, la voix brisée, à l’AFP. Cette phrase, simple et bouleversante, résonne comme un écho douloureux du morceau qui les a rendus célèbres : Seule dans la vie.

Un domicile devenu lieu de mémoire

Depuis l’annonce du décès, le domicile familial est devenu un lieu de recueillement. Famille, amis, fans et anonymes affluent sans interruption pour rendre hommage. Les uns en larmes, les autres murmurant des prières, des chapelets à la main. Des récitations de Coran, entamées dès la veille, rythmaient encore la matinée du samedi, dans une atmosphère lourde mais pleine de dignité.

Djibril Sacko, porte-parole de la famille, évoque une maison « qui ne désemplit pas », soulignant le respect et l’émotion unanime qui entourent cette disparition. La sobriété et la pudeur dominent, à l’image du couple discret qu’Amadou et Mariam ont toujours formé, loin du tumulte médiatique.

Une voix qui a transcendé les frontières

La nouvelle du décès d’Amadou Bagayoko a rapidement traversé les continents. Le président français Emmanuel Macron a salué sur X la mémoire d’un homme dont “la voix et la joie résonneront pour toujours dans nos cœurs”, rappelant combien le duo avait fait danser et chanter la France et le monde.

Manu Chao, figure de la scène alternative et artisan de leur percée internationale en 2004, a exprimé sa peine sur Instagram : “Amadou ! On sera toujours ensemble… avec toi partout où tu iras.” D’autres artistes comme Fally Ipupa ou Sidiki Diabaté ont eux aussi partagé leur tristesse, chacun soulignant l’impact immense d’Amadou Bagayoko sur la scène musicale africaine et mondiale.

Une légende née à l’Institut des jeunes aveugles

Tout avait commencé à Bamako en 1976. Deux jeunes aveugles, Amadou et Mariam, se rencontrent à l’Institut des jeunes aveugles. Lui est guitariste, elle chante depuis l’enfance. Très vite, une complicité musicale et amoureuse se tisse. Ensemble, ils mêlent traditions sonores mandingues et influences rock, funk, électro, créant une signature unique qu’Amadou appellera “afro-blues-rock”.

Leur consécration viendra avec l’album Un Dimanche à Bamako en 2004, produit par Manu Chao, un chef-d’œuvre devenu emblème. Le duo y raconte la vie quotidienne, les petites joies, les grandes douleurs, dans un langage universel porté par des rythmes entêtants.

Un parcours jalonné de collaborations prestigieuses

Les scènes du monde entier s’ouvrent alors à eux. En première partie de Coldplay, puis de U2. Invités par Barack Obama à Oslo lors de la remise de son prix Nobel de la paix. En duo avec Damon Albarn (Gorillaz), ou David Gilmour (Pink Floyd). Jusqu’à cette performance poignante en septembre 2024 pour la clôture des Jeux paralympiques à Paris, où ils reprennent Je suis venu te dire que je m’en vais de Serge Gainsbourg.

Un symbole : ce jour-là, leur chant faisait écho à leur propre trajectoire, faite de lumière au cœur de l’obscurité.

Un héritage ancré, une flamme qui continue de brûler

Avec plus d’un million d’albums vendus, des Victoires de la musique en France, des BBC Awards, une nomination aux Grammy Awards, Amadou & Mariam ont su conjuguer accessibilité populaire et exigence artistique. Début septembre, ils avaient encore publié un best-of intitulé La Vie est Belle, comme pour rappeler que leur message, toujours, célébrait la résilience, l’amour, et la joie.

Amadou Bagayoko a été inhumé dimanche à Bamako. Mais sa musique, elle, continue d’habiter les rues de la capitale malienne, les clubs parisiens, les festivals berlinois, les radios de Dakar et les playlists de Tokyo. Mariam, elle, reste. Et dans sa voix, désormais seule, résonnera encore longtemps celle de son Amadou.

Quitter la version mobile